Acier suminagashi, l’art de la révélation de l’acier
7 mai 2024Le suminagashi, quand le papier inspire l’acier.
L’acier suminagashi est inspiré directement d’une technique japonaise pour embellir le papier qui porte le même nom de suminagashi. En japonais suminagashi veut dire “encre coulante” ; on peut également parler de papier marbré pour désigner cet art japonais qui serait apparu au Japon autour du XIIe siècle de notre ère. Le suminagashi est une forme d’art à part entière utilisée pour embellir le papier. Les passionnés de littérature et de vieux ouvrages reconnaîtront le style des reliures utilisées pour de nombreux volumes en Europe occidentale à partir du XVIIe et jusqu’au XIXe siècle, bien que dans ce cas précis il faille davantage parler de marbrure. Cet art est arrivé en Europe par le biais des Turcs ottomans qui disposent d’une technique qui leur est propre à l’époque.
Un acier damassé bien particulier.
L’acier suminagashi n’est pas sans rappeler les lames damassées très courantes dans la coutellerie japonaise, et dont les motifs ondés rappellent la surface troublée d’une eau agitée exactement comme les motifs du papier marbré japonais. Néanmoins l’acier suminagashi et l’acier Damas ne sont pas réalisés selon les mêmes techniques. Le suminagashi est considéré comme un acier composite réalisé par soudure de plusieurs couches d’acier dont les teneurs en carbone diffèrent.
L’acier suminagashi peut être réalisé avec un nombre variable de couches, l’essentiel à retenir étant que ce qui est intéressant avec ce type d’acier, c’est la valorisation des différences de teinte entre les aciers selon leur taux de carbone (et d’autres éléments chimiques dans l’acier) puisque ce sont justement ces différences de teintes qui vont donner au suminagashi toute sa beauté. Ce type d’acier est avant tout une recherche d’élégance et de nuances.
Le noyau de la lame peut être réalisé grâce à plusieurs types d’acier, très souvent en acier au carbone car ces aciers sont très durs même si aucune règle n’existe à ce sujet. C’est la dureté de l’acier qui importe et qui assure la qualité du tranchant. L’acier doux utilisé pour les flancs de la lame va apporter de la souplesse à la structure et ainsi réduire les possibilités de brisure de la lame ou de microfissures liées à des chocs ou une utilisation intensive. L’acier doux a pour autre vertu de faciliter grandement l’affûtage, tout en le rendant plus souvent nécessaire, on ne peut bénéficier que des avantages, vous en conviendrez.
Pour le noyau on peut donc retrouver de l’acier inox comme l’acier AUS (dans ses nombreuses variantes), du VG1 qui est un acier inox en dépit de son taux de carbone très élevé, du VG10, de l’acier SGPS et même de l’acier shirogami (white paper steel) ou de l’acier aogami (blue paper steel).
Les flancs sont réalisés grâce à de l’acier non trempé avec autant de couches que le souhaitent le sidérurgiste puis le coutelier. Les couches d’acier qui composent les flancs alternent avec des couches intermédiaires en acier tendre traditionnel japonais (Gokunan Koh) qui est enrichi en carbone afin de limiter la décarbonatation de l’acier c’est-à-dire la dissémination des molécules de carbone liée aux différents traitements, soit chimiques soit mécaniques.
Les motifs apparaissent grâce à un traitement chimique ou mécanique, c’est ce que l’on appelle la révélation de l’acier. La révélation la plus classique est réalisée à l’aide d’une solution acide, du perchlorure de fer (FeCl3) le plus souvent ou de l’acide chlorhydrique, mais elle peut aussi se faire en pratiquant un grenaillage ou bien en utilisant ces deux techniques, à la fois en effectuant une révélation à l’acide et en utilisant le grenaillage. L’utilisation de l’une ou l’autre de ces techniques dépend du type d’acier.